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J'aime beaucoup John Boyne, je pense que c'est l'un des auteurs anglo-saxons de fiction les plus talentueux à notre époque. Il a un vrai talent pour créer des personnages et les faire vivre en nous racontant des histoires captivantes et intelligentes.
Son nouveau roman commence de façon étrange. Le premier chapitre se déroule en Palestine en l'an 1 de notre ère, le narrateur nous présente sa famille : sa mère, bienveillante et dotée d'une âme d'artiste ; son père, un guerrier exigent avec ses enfants ; sa sœur, protectrice et possessive ; son frère aîné, qui a hérité de son père un certain penchant pour la violence. Lorsque nous ouvrons le deuxième chapitre, nous sommes désormais en Turquie, en l'an 41, nous retrouvons une famille similaire à celle du premier chapitre, avec des prénoms différents mais reprenant la même première lettre que leurs alter-égos du chapitre précédent. Le récit reprend comme si rien n'avait changé, le narrateur est à peine plus âgé que dans le premier chapitre, comme si 40 années ne s'étaient pas écoulées.
L'histoire se poursuit ainsi de chapitre en chapitre, en faisant des bons de temps de 30 à 50 ans dans la grande Histoire, mais l'histoire elle-même avance à son propre rythme. C'est d'abord déroutant, puis on devine peut-être une histoire de réincarnation, avant de simplement se laisser emporté pour le récit malgré cette construction narrative atypique.
On y prend même du plaisir, en relevant les détails qui se répètent d'un chapitre à l'autre ou au contraire qui diffèrent. Ainsi, le narrateur est toujours un artiste ou un artisan, mais la discipline dans laquelle il excelle change à chaque chapitre. Le récit nous fait également vivre 2000 ans d'histoire en accéléré, tout en voyageant à travers tout le globe. C'est d'autant plus remarquable que l'auteur ne se contente pas de suivre la circulation occidentale ; il est par exemple très intéressant de suivre la conquête des Amériques à travers les yeux des populations natives.
Deux bémols cependant : si la structure narrative atypique apporte un réel intérêt, le récit lui-même n'est pas toujours passionnant et traîne parfois en longueur. Sans l'artifice des sauts dans le temps et l'espace, il n'y a pas forcément de quoi faire un roman complet. Enfin, les tout derniers chapitres s'essoufflent voire tombent à côté de la plaque. Le chapitre où l'auteur s'exprime presque directement sur les polémiques qu'il a subi lors de la publication d'un de ses derniers romans apparaît comme un règlement de compte inutile et malvenu. Quant au chapitre se déroulant pendant l'élection de Donald Trump aux USA en 2016, il est caricatural, quoi qu'on pense de l'issue de cette élection présidentielle.
Heureusement, cela ne suffit pas à gâcher le plaisir d'une lecture originale qui nous parle de la nature humaine, à la fois changeante et invariante, à travers les âges. Peut-être pas un « grand » livre, mais assurément un projet ambitieux largement réussi, une lecture très plaisante.