La Californie

La Californie

2019 • 187 pages

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J'ai eu l'occasion de lire La Californie de Bruno Mais grâce à la plateforme NetGalley.fr et à la maison d'édition JC Lattès. Je ne savais pas exactement à quoi m'attendre mais le résumé m'avait intrigué :


Marcus Miope a 13 ans. C'est un vieillard dans un corps d'enfant, un jeune garçon à l'âme déjà fatiguée, éprouvée par le temps et les autres. Mais il n'est pas cynique. Il regarde le monde et pose des questions.

Cet été-là, il est assis sur le rebord d'une passerelle. Sous ses pieds filent les voitures de l'autoroute ; au loin on distingue dans la lumière rouge d'un énorme soleil les silhouettes avachies des buildings. L'adolescent repense à cette scène dans To Live and Die in L.A. où Bill Petersen s'élance dans le vide depuis un pont, la cheville reliée à un filin. Ca fait quoi la chute ? Et le choc en bas ?

Assis à côté, les pieds dans les chaussures en suède de son père, son ami Virgile n'a rien à répondre à ça, les élucubrations de Marcus l'ont toujours fatigué. Les jours sont interminables. A part filer en vélo sur la piste cyclable où habite le harki, il n'y a rien à faire dans cette ville pourrie. Marcus pense à sa mère, Annie, qui a de nouveau disparu. Il pense à Noémie-Mélodie, à Pénélope la Norvégienne qu'il a croisée sur la plage, à son frère et ses coups, et à cette silhouette dont il ne parvient pas à distinguer le visage et qui lui fait peur. Et tandis que le vrombissement des voitures devient intenable, il revoit les frères Raccioni allongés sur les bancs de la place du collège, et leurs regards en biais, au retour du cours de sport. Forcément, ça va mal finir. La Californie c'est ça : trois mois dans la vie d'un adolescent de treize ans. Trois mois, à tombeau ouvert. C'est le roman des débuts : début de l'émotion, de l'ennui, de la vie qui n'est pas comme on veut, de la vie comme on la voudrait.



Pourquoi il vit là ce type ? j'ai demandé.

Parce qu'il peut pas aller ailleurs, comme nous, m'a dit Virgile.





Pourquoi n'arrivait-on jamais à nous sentir heureux, comme ces touristes contents d'eux-mêmes qui passent leurs journées entières sur la plage ? Je n'ai jamais éprouvé ce qui semble être une forme de plénitude, même vingt ans plus tard. Ce jour-là, tandis que le mois de juillet touchait à sa fin, en appui sur nos coudes, les corps plats, nous regardions autour de nous, et ce que nous ressentions, c'était de la solitude, comme si nous étions assis dans une salle de cinéma où se jouait un film dans une langue étrangère, au milieu d'une foule hilare. Mais ni Virgile ni moi n'avions le courage de l'admettre. Nous aurions pu en parler entre nous, nous livrer l'un à l'autre, et essayer de mettre des mots sur ce qui s'était mis à trembler à la surface de nos peaux blanches, avant de reprendre nos vélos et de nous tirer. Peut-être avait-on trop vu cette plage le reste de l'année, l'envers du décor, peut-être était-il trop difficile de jouer le jeu et de nous faire croire que tout ce qui nous entourait avait un tant soit peu de vérité. Mais on est trop sérieux à treize ans. On n'avait pas encore compris que les artifices sont les seules choses qui valent la peine. Ils octroient une pause au milieu de la laideur ambiante.
February 1, 2019Report this review