Paris dans les veines
Paris dans les veines
365 jours dans la vie d'un supporter du PSG
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Je suis supporter du PSG depuis que je suis adolescent, depuis que j'ai commencé à m'intéresser au football. Avant même de quitter ma Champagne natale pour vivre 15 ans à Paris, j'aimais cette ville et son club. Je n'ai pas toujours été un supporter acharné, je me suis parfois détaché du club et du football en général, mais il a toujours eu une place particulière dans mon coeur.
Récemment encore, la catastrophique Remontada barcelonaise en 2017 et la piteuse élimination contre le Real Madrid en 2018 m'avaient poussé à penser que « ce n'est que du foot, il y a plus important dans la vie ». Et pourtant, les jours de grand match, la passion revient toujours. Mercredi dernier par exemple, le PSG recevait Liverpool pour un match décisif pour son avenir en Ligue des Champions : une victoire permettait de continuer à espérer, tout autre résultat aurait été catastrophique. Pendant la journée précédent le match, j'étais plutôt détaché. Et pourtant le soir-même, en écoutant le match à la radio, j'étais à nouveau tout fou sur les deux buts parisiens, frustré lors du penalty concédé par Paris et transformé par Liverpool, stressé comme jamais quand il a fallu tenir le score tout au long de la second période, et enfin soulagé et fier quand le coup de sifflet final a retenti.
Vous allez me dire que ma vie de supporter est très intéressante, mais que ce n'est pas forcément le sujet de cet article. Ce n'est pas totalement faux, je vous le concède ! Toutefois, cela s'en approche car le livre dont je vais vous parler est signé Damien Dole, supporter du PSG et par ailleurs journaliste sportif à Libération. Dans Paris dans les veines, 365 jours dans la peau d'un supporter du PSG, il nous propose de suivre ses réflexions de supporter pendant une année complète. Tout a commencé en fait pendant l'été 2017, quand la rumeur Neymar au PSG a commencé à enfler, et que Libération a proposé à Damien Dole de tenir une chronique quotidienne sur cette rumeur, dans la peau d'un supporter. Il a ensuite prolongé l'exercice toute l'année, pour nous proposer ce livre.
Dans ce livre, chaque entrée est un jour de l'année qui ouvre sur une histoire, qui tire un fil –une anecdote, un but, un joueur, une rencontre, une sensation. Et chaque phrase instruit l'idée qu'un supporter de club ne vit pas de la même manière que les autres. Une vie qui n'est pas meilleure ou pire, juste différente. La condescendance de ceux pour qui « ce n'est que du foot » n'y changera rien, car l'irrationalité des actes et des émotions est assumée.
Tout commence donc avec cet été fou qui a vu Paris « se payer » deux immenses stars du ballon rond : le génie brésilien Neymar et la pépite française Mbappé. La folie est lancée mi-juillet avec un tweet de Marcelo Bechler, un journaliste brésilien qui annonce que Neymar a choisi de quitter le Barca pour devenir le star incontestée du PSG. Je pense que tous les supporters parisiens se souviendront de cet été passé à guetter toutes les rumeurs, sur les sites d'information, sur les forums, et les comptes Twitter, avec les recherches sauvegardées sur « Neymar » actualisées toutes les cinq minutes pour voir si une nouvelle information ou rumeur est tombée. Damien Dole décrit parfaitement cette période.
On a vécu dix-neuf journées comme jamais avec le Paris SG. On a connu la joie de la Coupe d'Europe en 1996, la déception au même niveau de compétition l'année suivante, on a vécu les énièmes crises de novembre, la joie du 6-1 (un score qui suit le Paris SG depuis 1997) contre Montpellier avec un festival de Bošković, on se souvient de la banderole sur les Ch'tis qu'on a vue se déployer dans un anneau du Stade de France à quelques mètres au-dessus de nos têtes, puis le déferlement médiatique. On a vécu les soirées gelées dans le virage Auteuil ou en tribune G pour des matchs pourris joués par des mecs qui semblaient s'en foutre de porter les couleurs rouge et bleu, de nous voir là, prêts à les aduler, on a vécu le grand huit contre les Marseillais et la finale de la Coupe de France gagnée contre eux, qui nous ont donné un totem contre les vannes de nos amis supportant le club rival. On se rappelle les soirées tragiques et les morts lors des matchs contre l'Hapoël Tel-Aviv ou l'OM, on se souvient de Couly, on se souvient de Momo. On a vu la fin des ultras, donc d'une partie de notre vie et, dans l'ère suivante, on a vécu le premier titre à la télé, puis sur les Champs avec un bordel comme seule l'Ile-de-France sait en déployer. Tout ça, c'est ce qui a construit notre relation fusionnelle et passionnelle avec Paris, incompréhensible pour ceux qui ne sont fans d'aucun club et qui méprisent le football, voire le sport. Mais ce qui s'est passé depuis le 18 juillet et le tweet du journaliste brésilien Marcelo Bechler, non, jamais on ne l'avait vécu.
Pour Silva, donc, c'était une autre sensation. Celle de voir une bague de mariage s'insérer à notre doigt. La réunion de deux êtres, nous et lui, nous en admiration, lui en démonstration. Il n'a pas tardé à montrer que l'amour était justifié. Du coup, on supporte mal les critiques à son égard. On en a voulu à Dunga, le sélectionneur brésilien qui l'a rejeté, aux personnes, fans du PSG parfois, qui ont critiqué ses pleurs et son émotivité. On le sait irréprochable sur le terrain, tant pis pour le reste. « Certains capitaines sont aimés. D'autres sont respectés. Thiago, ce n'est ni l'un ni l'autre. » Par ses mots, un ancien joueur du PSG, sous couvert d'anonymat, nous fend le cœur. Une nouvelle attaque contre notre modèle, à quelques jours du choc de la saison. On est énervé et triste. On se sent attaqué dans notre chair, comme si c'était notre amour pour lui et ses gestes qui étaient tournés en ridicule. L'amour ne rend pas aveugle : il éclaire et montre ce que les autres ne voient pas.
Le « Campus PSG », nom donné au futur lieu, doit voir le jour en 2020, une fois les fouilles archéologiques préventives réalisées. Peut-être qu'on y retrouvera le titre de champion de France de 1993 jamais attribué.
Le plaisir est immense, la saison a repris, ou plutôt il n'y a plus que le foot qui compte. La substance rouge et bleu coule de nouveau dans nos veines, comme depuis notre naissance. Et coulera ainsi pour l'éternité.