Ratings1
Average rating4
Reviews with the most likes.
Je poursuis ma découverte de l'oeuvre littéraire de Martin Page, après l'excellent Manuel d'écriture et de survie et le sympathique Comment je suis devenu stupide. Il s'agit cette fois d'un roman publié en 2016 et dont le titre L'art de revenir à la vie est une jolie promesse. Le résumé lui aussi était prometteur :
Martin vient d'avoir 41 ans. Il se rend à Paris pour rencontrer une productrice qui souhaite adapter un de ses romans au cinéma. Logé chez un ami artiste, il découvre la dernière œuvre de celui-ci, une curieuse « Machine à remonter le temps ». Il s'y glisse et s'y endort. le temps d'une nuit, le voilà revenu 29 ans plus tôt, face à un double de lui-même âgé de 12 ans.
Le lendemain, il retrouve la productrice pour discuter de l'adaptation de son roman. Mais très vite, tout déraille.
Chaque nuit que compte ce séjour parisien où rien ne se passe comme prévu, Martin et son jeune-moi poursuivent leur conversation. Tout en lui révélant une partie de son avenir, le quadragénaire cherche à donner des conseils à l'adolescent, il veut l'aider et lui éviter les expériences douloureuses. Mais la relation se complique : ce jeune double a l'esprit de contradiction et ses remarques poussent Martin à se remettre en question. Vie rêvée et vie réelle deviennent aussi déstabilisantes et excitantes l'une que l'autre.
À la fois décalé, drôle et profond, le nouveau roman de Martine Page est aussi une réplique au pessimisme et une défense de l'imagination comme arme existentielle.
Quand on arrive à l'âge de 40 ans, une question se pose, en tout cas c'est une question que mes amis et moi nous nous posons après quelques verres de vin : comment a-t-on fait pour s'en sortir ? On a échappé au suicide, aux accidents et à la maladie. On se sent comme un rescapé. Et, dans le même temps, on comprend qu'il faut vivre, travailler et aimer comme jamais. On est un survivant en sursis, et il n'y aura jamais rien de mieux que cet état de fragilité, parce que le contraire de la fragilité ce n'est pas la force, c'est la mort. C'est tout à la fois déprimant et exaltant.
Mon jeune-moi m'inspire. Il ne fait pas de concessions. Il ne flanche pas. Ce qui est magnifique dans la jeunesse et ce qui crée une nostalgie pour cette période, ce n'est pas l'innocence ou l'insouciance, toutes ces bêtises, ce ne sont pas non plus la peau souple et les énormes goûters au chocolat. C'est l'éthique. Certains adultes se plaignent des jeunes adolescents pour une seule raison : parce que ceux-ci ont souvent raison. Ils leur rappellent leurs compromissions actuelles, ce qu'ils nomment dans la novlangue caractéristique de l'âge adulte le « réalisme ». Les adultes renvoient les comportements adolescents à un définitif : « C'est les hormones », ça leur permet d'oublier qu'eux-mêmes se sont assagis et désensibilisés sous la pression non pas de la biologie, mais de la vie en société.
Je ne pense pas que je sois un héros comme le voulait mon double. J'en suis loin. Mais cette ambition est comme une luciole qui m'accompagne. Je n'aimerais pas être à la place de quelqu'un qui pense que les livres ne changent pas la vie. J'écris pour essayer de sauver les autres. Non, je rectifie : j'écris pour me sauver moi-même. Peut-être que ce n'est pas contradictoire. Une chose est sûre : c'est le signe d'une ambition démesurée, sans doute d'une certaine folie. Tant mieux. On est vivant pour ne surtout pas être raisonnable. J'ai toujours pensé qu'on sauvait par des gestes furtifs et des actes improuvables. Il s'agit de rendre les fantômes fiers de nous.
[...] J'ai 12 ans, et toute ma vie sera un combat pour défendre cet âge.