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Je dois d'abord préciser que ce livre m'a été envoyé “gracieusement” (en “service de presse” comme on dit dans le métier) par l'éditeur en version numérique (Kindle pour être précis) ; ceci par l'intermédiaire de NetGalley.fr, une plateforme qui propose de mettre en relation des éditeurs et des lecteurs dits « professionnels » (libraires, bibliothécaires, journalistes, blogueurs, etc.). L'intérêt pour un lecteur comme moi est évidemment de découvrir des livres en avant-première ou en tout cas parus récemment, et pour l'éditeur d'espérer la promotion à faible coût de ses parutions. Ceci étant dit, mon avis sur ce livre, et sur d'autres que j'aurais l'occasion de découvrir et de vous faire découvrir de la même façon, restera totalement objectif. Que cela soit dit : je ne suis nullement engagé auprès de l'éditeur ni me sens personnellement engagé à dire du bien du livre.
Ni partir ni rester est un roman de l'auteur brésilien Julián Fuks, que j'ai découvert à cette occasion. Publié en 2015 en portugais, il a remporté le prestigieux Prix Jabuti, que l'on peut présenter comme un équivalent brésilien du Prix Goncourt, couronnant les meilleures oeuvres en langue portugaise. Il a été traduit en français par Marine Duval et édité cette année par Grasset.
Il s'agit d'un livre semi-autobiographique, dans lequel le narrateur, alter-ego de l'auteur même s'il ne porte pas le même prénom, nous parle de sa famille et son frère en particulier. Je ne pourrais pas le raconter mieux que ne le fait le résumé proposé par l'éditeur :
Sebastián est un jeune écrivain brésilien, d'origine argentine, dont le grand-frère a été adopté par ses parents avant leur départ pour le Brésil. Suite au coup d'état de 1976 ces derniers se sont engagés dans la résistance et lorsqu'on les prévient de leur arrestation est imminente, ils doivent quitter Buenos Aires de toute urgence. Avec le bébé que leur a confié une sage-femme, ils traversent donc la frontière uruguayenne avant de s'envoler pour São Paulo. C'est là que le couple dissident, à présent exilé, donnera naissance à Sebastián et à sa sœur.
Mais un enfant ne naît pas pour soulager. Il naît et en naissant existe d'être lui-même soulagé. Un enfant ne pleure pas pour créer chez les autres la possibilité d'un sourire. Il pleure pour qu'on le prenne dans ses bras, qu'on le protège et qu'on taise par ses caresses la vulnérabilité implacable qui le tourmente si tôt déjà.
Quand il n'est plus resté une goutte de lait, quand les ongles minuscules du petit ont commencé à griffer ses doigts, quand les yeux bleus de l'un ont supplié les yeux bleus de l'autre, si semblables qu'on ne pouvait plus dire quels yeux étaient à qui, il a su enfin que cet être était intime, il a su enfin que ce fils était le sien.
Est-ce que chaque cicatrice est un signe ? Je me demande involontairement. Est-ce que toute cicatrice est un signe ? Je me demande malgré moi. Toute cicatrice est un cri, ou le souvenir d'un cri, un cri tu dans le temps ? Je l'ai vue tant de fois, je la reconnais si facilement, mais je ne sais pas ce qu'elle crie, ni ce qu'elle tait, cette cicatrice.
Buenos aires, dont nous nous sentions tous bannis tant qu'on nous empêchait d'y retourner - même si certains d'entre nous, ma soeur et moi, n'avions même pas posé les pieds sur ses trottoirs. Peut-on hériter d'un exil ? Serions-nous, nous les enfants, expatriés au même titre que nos parents ? Devrions-nous nous considérer comme des Argentins privés de notre pays, de notre patrie ? La persécution politique serait-elle aussi soumise aux règles de l'hérédité ?
Jamais je ne voudrais tenir une arme dans mes mains. Le dire est déjà une action, le dire constitue déjà une histoire politique.