Se résoudre aux adieux
Se résoudre aux adieux
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Se résoudre aux adieux est l'un des romans de Philippe Besson qui m'avait le plus marqué lors de ma première lecture, même si ce n'est pas mon préféré de cet auteur (En l'absence des hommes et Un homme accidentel se disputent la plus haute marche du podium). Comme la quatrième de couverture l'indique clairement, Philippe Besson donne la parole dans ce roman à une femme quittée par l'homme qu'elle aime :
« Je me perds facilement dans cette ville rongée par la mer, au long de ruelles dont je ne mémorise pas les noms. Si tu me voyais errer au milieu des ruines, tu ne me reconnaîtrais pas. »
De Cuba, d'Amérique ou d'Italie, une femme écrit à l'homme qu'elle aime et qui l'a quittée. Mais ses lettres restent en souffrance.
Je ne peux plus dire « mon amour », ou des choses approchantes, toutes ces expressions niaises qu'on emploie sans en percevoir le ridicule et qu'on répète à l'envi au point de leur ôter leur signification. Tu serais embarrassé si je disais « mon amour », de toute façon. Tu prétendrais que je ne suis pas guérie.
Un aveu : je ne suis pas guérie. Mais les malades doivent avoir l'élégance de ne pas indisposer les bien-portants, on leur sait gré de dissimuler leur mal.
Je voulais aussi le décalage horaire, un écart comme une rupture. Une différenciation du temps. Une différence à nos montres qui accentue encore la distance. J'ai vraiment cru que de trafiquer mon horloge, de ne pas vivre à la même heure que toi, d'être déconnectée de ta réalité me seraient d'un grand secours. Je suis obligée de reconnaître que, sur ce point, je me sus lourdement trompée. Car, sans m'en rendre compte, sans parvenir à m'en empêcher, je me recale en permanence sur toi. Pas une journée ne s'écoule sans que je me dise : quelle heure est-il pour lui ? Et juste après : que fait-il en ce moment ? Qu'a-t-il l'habitude de faire déjà, à cette heure du jour ?
Il faudrait avoir des regrets. Croire que j'aurais mieux fait de me rebeller, mais non, je n'y arrive pas. Si c'était à refaire, je ne changerais rien. Avec toi, quelle qu'aurait été la manière, je n'aurais pu échapper à la souffrance, à la pureté éclatante de la souffrance.
Et puis, j'ai vécu une belle histoire. On est forcément reconnaissant envers ceux qui ne gratifient d'une belle histoire. Ce n'est pas donné à tout le monde. J'ai été heureuse, vraiment. Heureuse et peureuse, au même moment, cela peut paraître étrange. Et le bonheur est passé. La peur, elle, est restée.
« Vous vous êtes tant et si mal aimés, tous les deux ». La phrase est venue comme un coup de grâce. Tombée comme un couperet. J'ai entendu le bruit de la lame quand, après sa course brève, elle sectionne les nuques. Tant et si mal aimés. Peut-on viser plus juste ?