Le champ de bataille
Le champ de bataille
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Il y a des livres qu'on découvre, qu'on achète mais qu'on ne lit pas tout de suite et qu'on retrouve quelques mois plus tard, un peu par hasard. C'est un peu mon cas ici avec Le champ de bataille de Jérôme Colin.
Il s'agit du second roman de cet auteur belge, paru en mars 2018 et que j'ai acheté en novembre dernier si j'en crois ce que me dit Amazon. Il trainait depuis sur mon Kindle, et c'est seulement hier que j'ai redécouvert son existence, alors que je réfléchissais à ma prochaine lecture après avoir terminé Les Justes d'Albert Camus.
Le problème avec les enfants, c'est qu'ils grandissent. Un jour, sans prévenir, ils claquent les portes, rapportent de mauvaises notes et ne s'expriment que par onomatopées. Surtout, ils cessent de vous considérer comme un dieu sur terre. Et ça, il faut l'encaisser.La science explique qu'ils n'y sont pour rien. C'est leur cerveau en formation qui les rend feignants, impulsifs et incapables de ramasser leurs chaussettes. N'empêche. On n'a jamais rien créé de pire que les adolescents du virtuolithique.Voici l'histoire d'un couple sur le point de craquer face aux assauts répétés de leur fils de 15 ans. Qu'ont-ils mal fait ? Rien. Mais la guerre est déclarée. Et ils ne sont pas préparés. L'école les lâche, le père part en vrille, la mère essaie d'éteindre l'incendie.C'est un roman sur l'amour familial où les sentiments sont à vif, comme sur un champ de bataille.
J'aurais dû développer, lui dire que je faisais ça pour le préparer à avoir dix-huit ans. Pour lui apprendre à vivre avec les autres. À comprendre qu'on n'a pas toujours ce qu'on veut dans la vie. Qu'il y a des règles à respecter. Parce qu'il faut être solide pour devenir adulte. Il faut être préparé. Accepter de faire le deuil de toutes les vies qu'on ne pourra plus vivre.
J'avais été un enfant. Et, du jour au lendemain, à vingt-cinq ans, j'étais devenu père sans jamais m'être posé la question du sens que cela pouvait revêtir. À partir de là, j'avais eu peur. De la maladie, de l'échec, du noir, de mon patron, de danser, de l'abandon.« De mourir aussi ? » a-t-elle demandé. Non. Je n'avais pas peur de la mort, juste qu'elle survienne trop tôt. Avant d'avoir assez vécu.Je lui ai expliqué ma crainte de mourir trop jeune, les attaques de panique, ces moments de terreur où je vivais avec précision l'instant de ma mort. J'étais assis, pétrifié et je la sentais me conquérir, petit bout de chair par petit bout de chair. Et je restais là, sans réagir, la laissant remporter une victoire sans combat.
Nous avions donc une fin. Éventualité qui ne m'avait encore jamais traversé l'esprit. Un jour, comme celui-ci, nous allions devoir nous quitter. Notre histoire s'achèverait. Un jour, je ne contemplerai plus le bas de son dos et je ne me réveillerai plus à ses côtés. Nous n'existerions plus. Combien de temps nous restait-il pour profiter l'un de l'autre ? Je l'avais vue morte sur ce lit. J'avais ressenti l'abîme de son absence. Mais elle n'en savait rien. J'étais seul à détenir ce terrible secret : nous n'avions plus devant nous l'éternité.