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“Sous la lune brisée” est le premier roman d'Anne-Claire Doly, mais si je ne l'avais pas su avant de le lire j'aurais pu croire qu'il s'agit de l'oeuvre d'une autrice déjà aguerrie et maintes fois publiée. Elle nous propose ici un roman de science-fiction qui même habilement propos éminemment politique et style très littéraire.
L'action se déroule dans notre futur, plus de deux siècles avec un cataclysme, non explicité dans le texte, qui a rendu invivable une grande partie du globe et a brisé la Lune en deux. Neuf cités-Etats se sont emmurées pour s'isoler des réfugiés qui tentent de s'y mettre à l'abri. En leur sein, la société est divisée en trois cercles : le premier cercle, composé des Gardiens, issus de familles aristocratiques qui gouvernent la cité ; le deuxième cercle, qui forme le Faisceau, l'armée dont le rôle principal est de neutraliser les migrants en dehors des murs ; le troisième cercle, les Laborieux qui n'ont comme privilège que celui d'être à peine mieux traités que les réfugiés clandestins. La sexualité et la natalité sont contrôlées et organisées lors de cérémonies où les partenaires pour quelques nuits consécutives sont tirés au sort, quand le hasard n'est pas influencé par quelques puissants fortunés. La loi qui interdit les relations avec les personnes d'un autre cercle.
Quand le récit commence, la colère gronde dans la cité. Le Faisceau semble sur le point de déclencher un coup d'état contre les Gardiens, tandis que des partisans du Troisième cercle prépare une révolution pour reprendre le pouvoir des mains de ceux qui les oppriment.
Dans ce cadre quasi-dystopique, l'autrice nous propose de suivre la destinée de trois personnages : Aulis, un Laborieux adolescent dont la mère, issue de l'union interdite d'une aristocrate et d'un Laborieux, se prostitue ; Hadrian, un militaire dont l'homosexualité et la conscience l'isolent de ses camarades de combat ; Ariane, aristocrate qui veut continuer à exercer son métier de médecine dans les bas quartiers.
Les ingrédients sont réunis pour un récit puissant et très politique. Le début est toutefois un peu lent, d'autant que le style littéraire et presque poétique d'Anne-Claire Doly peut surprendre voire dérouter le lecteur. Globalement, le rythme reste lent, même si cela s'accélère légèrement la fin. Je dirais que si le cadre proposé m'a tout de suite séduit, j'ai mis un peu de temps à entrer véritablement dans le récit, avant de me laisser emporter progressivement par la qualité de la plume, la puissance du récit et l'humanité des personnages.
C'est une lecture exigeante mais puissante, un grand roman de science-fiction qui parle de révolution, de migration, d'exil, d'eugénisme, d'amour, et d'humanité en général.